Jeudi 04 juillet 2013 : « Peut-on refouler l’histoire? »

Cette troisième séance sera articulée autour du roman : «Le Village de l’Allemand (ou le Journal des Frères Schiller) » de l’auteur algérien Boualem Sansal.

Selon Freud, l’inconscient, source et origine de toute névrose, aurait pour corollaire un fantasme tout à fait fondamental : le fantasme originaire. Ce fantasme désignerait la manière dont un sujet imaginerait l’histoire de ses origines. Au-delà des théories sexuelles infantiles et du « roman familial », peut-être que « tout enfant des hommes » est en quête de l’énigme de l’existence-même de l’homme.

Ce questionnement surgit de manière soudaine et inattendue chez Rachel Schiller (Rachid Helmut Schiller), alors qu’il apprend la mort de ses parents, massacrés par le GIA à Aïn Deb, le « bled »où il a grandi, avant que son père ne décide de l’envoyer s’instruire et étudier en France.

D’origine allemande, ce père, Hans Schiller, ancien moudjahid et cheik du village, sera enterré sous le nom de Hassan Hans dit Si Mourad.

Pourquoi ?

À Aïn Deb, où Rachel est parti se recueillir sur la tombe de ses parents, il trouve, consciencieusement conservé sous forme de documents dans une mallette, le sinistre passé nazi de Hans Schiller…

« Je ne suis pas n’importe qui », écrira-t-il plus tard dans son journal, alors qu’il se rendra à Auschwitz, « je suis Helmut Schiller, le fils du SS Hans Schiller, et dans cet endroit mon père a sa part des un million trois cent mille morts, gazés pour la plupart, abattus d’une balle pour les plus chanceux. »

Après son suicide, deux ans jour pour jour après la mort de ses parents, son jeune frère Malrich (Malek Ulrich Schiller) hérite du journal de Rachel et des documents de Hans Schiller. Emergeant alors de son errance d’enfant de la cité, échappant aux griffes de l’islamisme conquérant, Malrich rédige à son tour un journal. Sans hésiter à comparer les méthodes de l’intégrisme musulman à celles du nazisme, il accomplira à sa façon un pèlerinage de la vérité historique et conclura dans son journal : « …il faut tout dire aux enfants….ils doivent savoir, ce sont eux qui héritent des parents, le bien comme le mal…. ».

Le roman de Boualem Sansal, basé sur une histoire vraie, prodigieusement bien écrit et construit, permet d’articuler l’histoire individuelle de ses personnages à celle de l’humanité en traversant les générations.

L’hypothèse freudienne et lacanienne selon laquelle nous sommes dépositaires d’un savoir que nous savons sans savoir, confronte le psychanalyste à des questions théoriques et cliniques que nous aborderons lors de cette séance.

Boualem Sansal est né en 1949 en Algérie. Enseignant, consultant, chef d’entreprise, haut fonctionnaire au Ministère de l’Industrie d’Alger, il est limogé en 2003 à cause de ses positions politiques qui vont à l’encontre du pouvoir en place. Il n’entre en littérature qu’à l’âge de 50 ans en tant qu’écrivain engagé et reste vivre en Algérie, alors que certains de ses écrits, dont « Le village de l’Allemand » sont censurés dans son pays.